19 abril 2024
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L’aide documentaire à la traduction technique ou
Ce que la terminologie apporte au traducteur et rédacteur techniques

Introduction

En notre métier, théorie et pratique ne font pas bon ménage, estiment bon nombre de traducteurs, même ceux qui savent que la connaissance de deux langues ne suffit pas pour se lancer dans la profession – comme quoi ils congédient implicitement la théorie de l’équivalence transfrontalière des unités linguistiques. À ces vieux routiers, il est évident que le lien de mot à chose n’est pas forcément semblable en chaque langue, puisque le découpage de la réalité comme le dépeçage d’un bœuf en boucherie peut varier d’une cuisine à l’autre. Il leur est apparu qu’il faut savoir concocter son brouet en tenant compte du goût des autres.

En traduction technique, le mot devenu terme tend à renoncer à la polysémie, laquelle constitue l’un des facteurs de la confusion babélienne. Le terme resserre le lien nominatif avec la chose au point de figurer comme son identificateur privilégié. De ce fait, le traducteur technique a tout intérêt à se familiariser avec les termes du domaine qui fait l’objet de ses efforts d’entremise. Nous allons voir qu’il ne s’agit pas seulement d’un vocabulaire.

Tenant compte de la répugnance du traducteur à la théorie, nous n’allons pas nous attarder sur la différence entre terminologie et terminographie, d’autant moins qu’en français l’usage privilégie abusivement le premier terme au détriment du second. Et pour les concilier, nous retenons « termino » pour désigner notre propos, comme l’étudiant dit « dico » pour le dictionnaire.

I. Généralités

1 – Définition

La langue précise bien les choses : le terme dé-term-ine la chose en la nommant. Ce faisant, il mobilise un savoir, puisqu’il constitue un élément cognitif, le nom représentant l’objet, auquel il colle comme une étiquette. Le terme désigne soit un objet précis (nom propre : le gabarit du contremaître), soit espèce ou genre (salle des gabarits dans un arsenal). Nom propre ou nom générique, peu importe, en termino, les mots comptent moins que les idées qu’ils traduisent.

Comme le titre à la valeur, le nom s’oppose à la chose, tout en la courtisant. Cependant, la chose nommée est plus franche que personne – elle ne se cachera pas sous un faux nom. (Il lui arrive souvent de voguer sous plusieurs pseudonymes). Le terme est plus net que le nom, dont la vertu est d’autant plus petite qu’elle se prête à de grands abus (« au nom du peuple »… – « Ô Liberté, que de crimes on commet en ton nom ! » [Mme Roland de la Platière au pied de l’échafaud]). Cette netteté résulte de son habitat : le domaine et le genre d’appartenance restreignent son acception au point d’aboutir à son univocité.

L’identification courante de la chose par son nom sert à la communication et, pour le traducteur, à la communication écrite. Le nom figure alors « dans le texte » en tant que terme et nargue la curiosité, qui cesse dès lors d’être un vilain défaut.

Dans la pratique, le terme connaît tout de même ses limites – en technique et en eschatologie. La première limite réjouit le traducteur, puisqu’elle marque la fin de son intervention, et la seconde le soulage, puisqu’elle marque la fin de ses maux de tête.

En effet, la désignation langagière perd son latin dans le foisonnement de pièces d’un catalogue ou de nuances de couleurs en cyberculture, où la langue est relayée par des codes (alpha)numériques standardisés ; le dieu romain Terminus, qu’on trouve apposé en effigie sur la tombe de Erasmus de Rotterdam à la cathédrale de Bâle deux ans après son trépas en 1536 et dont la devise fut « concedo nulli »je ne cède à personne, arrête la folie de se croire et libre et en sécurité. Terminus stoppe tous transports – terrestres et nerveux. Cette divinité de l’ombre, comme son nom l’indique, met un terme à l’affairisme des gens indispensables. Il faut se limiter.

2 – Nomenclature

Le propre du terme est qu’il fait partie d’un ensemble cohérent qui recense tous les termes d’un domaine dans un ordre hiérarchique. Ce collectif, une sorte de nomenclature raisonnée, est appelé « arbre terminologique » – ce qui dénote d’un côté l’interchangeabilité du nom et du terme (terme est nom et nom est terme) et de l’autre l’ordonnancement d’un domaine, en tout ou partie, par ses termes. En effet, le classement méthodique, l’ordre, ressort d’un autre synonyme pour ce collectif, qui est « taxinomie » (classification d’éléments). L’appartenance plus ou moins explicite du terme à cet ensemble lui confère une qualité éminemment cognitive : il sert de clé d’accès à un savoir classé à communiquer.

Pour le traducteur technique, ce savoir est avant tout un savoir-faire, car la science elle-même ne se vérifie qu’à travers les recettes qui marchent. Si l’on admet que toute science est « un ensemble de textes (donc de termes) édités », la terminologie devient documentaire et fait partie de l’épistémologie.

Pour revenir à une définition de la terminologie en tant qu’« ensemble de termes, rigoureusement définis et spécifiques d’une science, d’une technique, d’un domaine particulier de l’activité humaine, ayant pour objet l’étude théorique des dénominations d’objets ou de concepts utilisés par tel ou tel domaine du savoir, ainsi que l’étude du fonctionnement dans la langue des unités terminologiques, des casse-tête de traduction, des configurations de classement et de documentation qui se posent à leur sujet » ; on pourrait dire qu’elle constitue une synthèse de langue et de connaissance, le pont précis reliant mot et chose dans l’activité humaine. Toute termino représente donc, de bonsaï à baliveau, un « arbre de la connaissance » pour le domaine en question, puisque savoir c’est pouvoir situer chaque chose dans son environnement propre. Cela rappelle un peu le mot d’Ortega y Gasset pour la connaissance de soi : yo soy yo y mis circunstancias.

3 – Terme/concept

Le nom vise une chose (appelée pour cela également « référent »). Or, celle-ci, lorsqu’on en parle, perd sa matérialité. Elle figure « dans la tête » du locuteur, qui se la représente « à son idée ». Et curieusement, son auditeur, sous certaines conditions, peut le suivre : le miracle de la communication – source de malentendus tant que la langue est fourchue et l’esprit tordu, mais également et surtout source d’entente pour la construction d’un monde post-babélien, à laquelle la termino est appelée à apporter sa part.

C’est cette idée en tête du locuteur/rédacteur qui revêt la chose de son nom. En communication, ce sont les idées (concepts) qui sont échangées (partagées, contestées, précisées). Or, les idées changent de nom d’une langue à l’autre, mais gardent leur identité intrinsèque terminologique. Cette valeur idéelle resitue le terme à un niveau paralinguistique (conceptuel, notionnel) où il commande ses différentes appellations (noms) comme des synonymes, peu importe que ce soit interlinguistiquement ou intralinguistiquement, car en fait le nom de la rose se décline de diverses façons par cultivar et région. Pour couper court au foisonnement onomastique en science des choses, on a eu recours au latin pour identifier et nommer de façon univoque animaux et végétaux. Les espèces botaniques de roses du genre Rosa se comptent entre 100 et 200 selon les auteurs, sans les obtentions aux noms fantaisistes. La nomination par le terme obéit au souci de sécurité – terme à la mode – dans le commerce des idées et des choses.

L’avantage de considérer la termino comme « conceptologie » plutôt que comme nomenclature devient évident dès lors qu’on travaille en plusieurs langues.

4 – Un module communicatif

Pour décrire le fonctionnement de la termino, les enseignants ont conçu le fameux triangle terminologique :

Triangle terminologique

où le concept « coiffe » aussi bien la chose que son nom. Cette façon de voir a même fait l’objet d’une norme internationale : ISO 1087 (voir activités d’ISO/TC 37 – ce comité technique est dédié à la terminologie).

À vrai dire, cette représentation est incomplète, car il lui manque l’essentiel à toute compréhension : l’image.

5 – Identifier

L’idée de la chose est, en effet, toujours associée à une image dans la tête du sujet. En allemand, comprendre c’est sich ein Bild machen – se faire une idée (image). Le proverbe chinois « une image en dit plus long que mille mots » énonce une expérience vitale. Malheureusement, les terminologues en place n’ont pas su se résoudre à accepter cette évidence et à la mettre en pratique. La lexicologie semble mieux orientée. En effet, il existe déjà, depuis belle lurette, des dictionnaires illustrés, comme Larousse, Duden (en français, espagnol, anglais, allemand), Harrap’s pour le quotidien et tutti quanti pour les langues dites « de spécialités ». Ces acquis lexicaux devraient stimuler les terminologues à parfaire leur représentation des choses pour les aider dans leur quête identitaire.

Même dans la vie courante, l’identité est capitale, a fortiori dans l’appréhension de la réalité. Que fait la police ? Les avis de recherche affichent des portraits-robots – pas très ressemblants, il est vrai, faute de mieux. Prévenir vaut mieux que guérir. On prévoit donc en haut lieu d’exiger une photo et des empreintes digitales pour une identification fiable, de sorte que toute pièce d’identité doit en comporter par décret. Pourquoi serait-ce différent pour les choses ?

6. Le nœud gordien

Ce nœud mystique illustre bien la crête séparant les effets de l’image de ceux de l’imagination. Précis vs. diffus ; clair, sobre vs. virtuel, proliférant. Si on avait eu une image du célèbre nœud, on n’en parlerait peut-être plus. Sans son trancheur, image à l’appui, l’affaire serait classée. Or, ce nœud continue à nous intriguer à cause de son intrication supposée que chacun peut configurer à sa manière, laissant libre cours à son imagination. C’est cette exubérance, qui préside aux belles lettres, qui est dénoncée par Pascal (pour être d’autant plus fourbe qu’elle ne l’est pas toujours) avec raison et qui nuit à la réputation du traducteur. L’opposition imagination # raison chez Pascal se double ici de l’opposition créativité # fait accompli ou inversement fait et à faire. L’image reproduit matériellement ce qui est fait (par la nature ou par l’homme). Les artéfacts renvoient à la technique dont notre traducteur est sujet.

N’empêche qu’il n’échappe pas au tiraillement ordinaire et quotidien de tout traducteur entre la tentation de trahir sa source et son devoir de la servir. Or, il se doit d’écouter plutôt la raison que ses supputations pour trancher ses nœuds courants et il a grandement besoin de les identifier. À cet effet, l’image, en en livrant les tenants et aboutissants, lui servira bien davantage que son imagination, qu’il doit cantonner à la conception de son ouvrage au regard de sa source. L’image, soit l’illustration, lui permettra bien plus facilement que la définition de visualiser, donc de comprendre, de quoi il s’agit et d’en partir pour trouver l’équivalent en langue cible. Tout nœud, cependant, se noue, et son dénouement devrait remonter à son début, ce qui n’est pas donné avec les légendes – il faut pouvoir le refaire. Et c’est là le hic. L’image du nœud accompli devra être précédée de l’illustration des phases préparatoires. Le nœud gordien manquait de tout cela pour cause : il fut censé représenter le nom secret d’un dieu phrygien. Un code protégé. Reste à savoir si le traducteur aura l’autorité pour trancher ses nœuds sans déclamer des alexandrins.

7.- Vidéo et marquage définitionnel

L’illustration dynamique est assez avancée en informatique pour satisfaire à l’exigence visuelle sous tous rapports et quant aux empreintes, la définition du terme s’en chargera en en retenant les traits caractéristiques. La définition terminologique est plus rigoureuse qu’en lexicologie en ce sens qu’elle relie systématiquement le terme à son hypéronyme qui, lui-même est noté dans son domaine d’application. Ce procédé évite les fausses pistes. Par exemple table → meuble → mobilier  #  table → registre → recueil de données. Ou encore table ronde → meuble sur pieds → mobilier #  table ronde → réunion de participants sur un pied d’égalité → conférence/colloque.

8 – Comprendre

À vrai dire, la réalité ne s’appréhende pas. Les choses existent bien, mais c’est la connaissance des choses qu’il faut mobiliser. Une chose ne signifie rien par elle-même. Elle prend un sens dans un contexte précis, dans un écheveau de liens (circonstanciels, causals, [ana]logiques, partitifs, fonctionnels, etc.), qui relève de la connaissance, car ce n’est que par les rapports des choses et des gens les uns avec les autres qu’on peut comprendre et, de ce fait, se constituer un savoir.

Déjà au Moyen Âge, Raymond Lulle (1232-1315) dans son Ars Magna, tenta de circonscrire une série de facettes (liens) illuminatives, répondant, par exemple, aux questions utrum? (alternative – laquelle des deux ?), quid? (nature/essence), de quo? (substance), quare? (cause), quantum? (quantité/dimension), quale? (qualité), quando? (temps), ubi? (lieu), quomodo? (modalité), cum que? (instrumentalité), unde? (origine), etc., reprenant et développant la logique d’Aristote. Nous n’allons pas nous perdre dans les méandres de ces recherches représentatives du savoir, passant par Kircher, Leibniz, Descartes et Babbage jusqu’aux ordinateurs actuels, exploitant la combinatoire binaire à fond, tendant à comprendre et reprendre la démarche de l’esprit humain. Cette méthode éprouvée, visant à objectiver l’approche scientifique en sériant les éléments constitutifs du savoir, pariait sur les mathématiques.

Or, la termino, opérant avec les arbres cognitifs poursuit le même objectif en pariant sur les concepts, dont l’équivalence en différentes langues reste ouverte. C’est cette ouverture quasi-synonymique aux noms des choses dans les idiomes à traiter qui confère à la termino sa fonction conjonctive multilingue entre le savoir et le dire et constitue, de ce fait, l’instrument idéal entre les mains du traducteur technique – bien plus qu’un lexique, auquel manque notamment la connotation hiérarchique (i.e. repérer à quel niveau se situe l’élément du savoir concerné dans son ensemble) et, par là, la portée documentaire domaniale.

9 – Enseigner

Une question est souvent posée : le savoir est immense et exponentiel ; comment la termino, qui devrait tout comprendre, peut-elle être enseignée aux étudiants ?

Depuis Montaigne, la didactique ne vise pas à bourrer les crânes mais à faire réfléchir avec méthode. La méthode terminologique, objet d’apprentissage, ne brasse pas large mais pointu. Les étudiants, par groupe, se choisissent un domaine pour une étude systématique et exhaustive, dépouillant des textes, consultant des experts, compulsant des manuels, assistant à des conférences, etc., pour, en fin de parcours, présenter dans les normes un mémoire collectif résumant leurs trouvailles. D’avis d’experts, ce type de mémoire multilingue répond aux exigences les plus hautes pour représenter le dernier bilan de santé du domaine étudié.

10 – La représentation terminologique

a) Par élément

Ce savoir, comme tout savoir, passe par la représentation. Le triangle termino évoqué plus haut donne un premier aperçu. Nous avons vu que cette représentation ternaire est incomplète. Il faut une représentation quaternaire comme suit :

Représentation terminologique par élément

La place de l’image peut paraître discutable, car elle figurera, comme le concept, d’abord dans la tête, puis se visualise sous forme d’une matérialisation (photo, dessin, graphisme – qui, dans certaines langues, pourra faire concurrence au mot [idéogramme]).

Nous l’avons dit, l’oralité est rare en termino, ce qui fait que la parole s’éclipse au profit du mot qu’on peut prendre à la lettre. La matérialisation du concept se dédouble donc en image et en signe écrit. Que l’image ait été traitée en parent pauvre par les terminologues jusqu’ici s’explique par leur inexpérience des arts graphiques autres que lettres et, de ce fait, par leur frilosité à cet égard – pouvant aller jusqu’à l’iconophobie. Or, il faut que cela change !

b) Par arbre ou nomenclature illustrée

Qu’il suffise, à titre d’illustration, d’évoquer, sans jeu de mot, l’arbre d’un engrenage dans celui-ci avec les autres pièces constitutives de ce même ensemble, appelé engrenage :

Engrenage

Arbre dans son engrenage (source wiki)

C’est un aspect important en termino que de relever la relation « ensemble de » – « partie de ». Ces relations partitives entrent dans une représentation systématique, redevable à Aristote avec les relations abstractives (genre – espèce), complémentaires et fonctionnelles. De fait, cet ordre représentatif des objets se trouve reproduit, nous l’avons vu, dans les rapports conceptuels et lexicaux par l’hypéronymie et l’hyponymie des termes pour les relations partitives et abstractives. Dans l’exemple, l’arbre d’engrenage est hyponyme de l’hypéronyme engrenage. Il est vrai que l’exemple choisi est rudimentaire, mais le traducteur est bien à même de visualiser une complexité mécanique plus poussée à partir de cette base. Il convient de retenir de cet exemple le parallélisme obligatoire entre représentation conceptuelle, image et situation réelle. En effet, l’hypéronyme reflète le genre le plus proche : genus proximum.

11 – Accessibilité du savoir

Bien que le concept règne sur la termino en tant que principe directeur, dans la pratique, l’ordre d’accès est indifférent, ce qui rend la termino plus polyvalente que la lexicologie qui privilégie l’accès alphabétique au savoir de son corpus. Cet accès n’est pas interdit en termino mais n’est qu’accessoire à côté de l’accès thématique. Du fait de cette indifférence, un rond serait plus convenable à représenter l’accès termino au savoir qu’une représentation triangulaire :

Rond terminologique

Le point de départ de la quête étant indifférent, on peut tourner dans les deux sens rotatoires.

Ranunculus

ranunculus acris (source wiki)

Prenons le cas classique bilingue : on veut savoir comment on dit « bouton d’or » en espagnol. En consultant un dico ordinaire on trouve éventuellement ranúnculo qui est le nom générique d’une famille de plantes herbacées comportant près de 1500 espèces ; c’est-à-dire que la correspondance trouvée est très approximative. Si l’on ne veut pas battre la campagne, il vaut donc mieux choisir l’approche termino, remonter au concept imagé avec son identité latine et retenir le nota bene selon lequel ce nom de < bouton d’or > vaut pour plusieurs espèces de renoncules à fleurs jaunes. Le concept offre des équivalents dans différents idiomes, dont pour l’espagnol < botón de oro > ou < hierba belida >. De même, le concept est situé dans l’ensemble des renoncules parmi une sélection de cette famille botanique.

La recherche du nom X à partir du nom Y est très usuelle en lexicologie bilingue, mais la termino peut faire plus. Elle offre, en effet, la possibilité supplémentaire de trouver le nom à partir de la chose. Cependant, il ne suffit pas de monter d’un cran (4 → 3), mais on passera par l’image (2) représentant le concept (1) pour aboutir au terme (3). Cela peut paraître compliqué, voire illogique au regard de la numérotation, mais c’est le chemin de recherche onomasiologique par l’axe directeur, le concept. La méthode conceptuelle de la termino équivaut à passer par un carrefour, qui débouche sur les autres liens du domaine, constitutifs d’un réseau, appelé sémantique au lieu de cognitif.

II. Résultats du travail terminologique

Ce qui intéresse le traducteur ce sont les fruits de la recherche terminologique – moins que la méthode, encore que celle-ci permette de faire ressortir les avantages dont le traducteur pourra tirer profit. C’est pourquoi une vue rapide sur le travail terminologique est proposée. Les Canadiens étant orfèvres en la matière, nous allons citer ci-après une notice préliminaire, extraite de Termiumplus, préparée par Silvia Pavel de la Banque de Terminologie du Bureau des Traducteurs du Gouvernement fédéral canadien.

1 – Principes d’élaboration d’une fiche terminologique

Le texte suivant s’adresse à des rédacteurs s’occupant d’un « dossier terminologique », qui constitue le point de départ du travail. Il s’agit d’un texte technique dans lequel il faut recenser les termes à traiter, c’est-à-dire les mettre en fiche.

« La fiche terminologique est le support d’information qui permet la synthèse et la systématisation des données sélectionnées dans le dossier terminologique. C’est l’expression la plus formelle du principe d’uni-notionnalité : toutes les données qu’elle contient éclairent un seul concept, ses désignations et ses relations avec les autres concepts d’un système conceptuel. Que la fiche soit monolingue ou multilingue, elle doit démontrer cette uni-notionnalité grâce à des indices textuels appelés crochets terminologiques prouvant l’identité des caractéristiques définitoires du concept à travers les diverses justifications textuelles ou les autres éléments de données.

Les principales exigences de la rédaction d’une fiche sont la validité et la concision du contenu, l’actualité et la complémentarité des données illustrant le crochet terminologique. Ceci signifie qu’avant de commencer la rédaction d’une fiche, il vous faudra bien étudier le contenu de votre dossier terminologique afin de sélectionner ou de formuler la définition la plus complète, de citer le contexte éclairant le mieux les caractéristiques du concept, et les renseignements les plus précis et les plus actuels sur l’emploi des termes. Il vous faudra aussi éviter autant que possible la répétition inutile des renseignements en privilégiant les justifications textuelles complémentaires, de manière à aider l’utilisateur de la fiche à se faire une idée complète du concept décrit. Enfin, il vous faudra respecter les règles de consignation des données qui sont prescrites dans un guide de rédaction valable pour votre base de données ou pour celle dans laquelle vous êtes censé enregistrer vos fiches. Sans un tel guide il ne peut pas y avoir de gestion de contenu dans une base de données.

Si votre recherche terminologique l’exige, vous rédigerez des fiches pour chacun des nœuds de l’arbre conceptuel dont les termes figurent dans votre nomenclature. Normalement, vous devriez même en créer davantage puisque vos dossiers terminologiques éclaireront des interactions et des associations avec des concepts intéressants dans des domaines connexes. » (Source : La création de fiches terminologiques – La méthodologie de travail).

2 – Fiabilité des sources

Il en ressort qu’il s’agit d’un travail de documentation, de recensement et de qualification. On doit indiquer d’où sort le terme à définir. Le sourçage est capital en termino. Tout doit être justifié dans le même souci de sécurité déjà mentionné. Ce n’est qu’à ce prix que la fiche de terminologie peut faire autorité. Le maître mot est ici comme en toute langue l’usage, l’usage reconnu par les professionnels du domaine concerné. Leur avis expert sera retenu avant tout, soit exprimé oralement et consigné, soit rédigé. Au même rang figurent articles de périodiques dédiés, manuels, modes d’emploi, didacticiels, etc. En revanche, dictionnaires, lexiques, vocabulaires, etc., sont à proscrire. Encyclopédies et les données sur la Toile doivent être regardées avec circonspection.

À noter à nouveau que Termium, comme la plupart des banques de données termino, néglige l’illustration par image, alors que l’illustration par l’exemple sera possible. On se cantonne dans le texte !

3 – Présentation du schéma d’une fiche terminologique

La fiche comporte une série de rubriques renseignant sur son actualité (date d’établissement), sur son auteur et l’identifiant par un code ou un numéro. Puis figure la vedette – soit le lemme, un syntagme ou phrase, recensé dans le texte de départ, qui figure comme source avec citation du contexte et indication du domaine dont le lemme relève.

La définition du terme, également sourcée, peut conduire à une série de sous-définitions selon le besoin de clarification, soit sur la même fiche, soit sur une fiche à part, selon le cas. D’autres contextes illustratifs sourcés de la vedette ou des sous-lemmes sont optionnels, tout comme des notes explicatives et la mention de synonymes/antonymes, le tout également sourcé.

Pour les équivalents en langues cibles, un sourçage fiable selon les critères évoqués est indispensable.

L’illustration d’objets, également sourcée, par image ou de termes abstraits par exemple est obligatoire (chiffre 18).

Le chiffre 20 concerne les renvois à des fiches d’hyponymes ou de sous-définitions figurant sur des fiches séparées ; le chiffre 21 concerne les renvois à d’autres entrées de même niveau, soit du domaine, soit à un extérieur connexe.

Fiche-type

1a/b : 10/10/11  HE

2a/b : fiche x /
terme n

1a date d’élaboration
1b sigle auteurs

2a n° fiche 2b n° terme 3. table ronde
…………
4

3 vedette

4 décryptage 5  le roi Arthur présida la t.r. des chevaliers du bord
6  légendes bretonnes, XXL, p. n    

5 contexte
6 source

7 mythologie

7 domaine d’application

8 il s’agit de la 1re t. rassemblant des dignitaires ayant le même rang
9  wiki

8 définition

9 source

10    ——–
11

10 synonyme
11 source

12
13

12 note
13 source

14
15

14 équivalent espagnol
15 source

16 round table conference
17

16 équivalent anglais
17 source

18   séquence du film xxy
19

18 illustration
19 source

20  chevalier x   monthy python 20 subreference     21 durantal

21 cross-reference

La fiabilité des données ainsi recueillies constitue l’aide des plus précieuses pour le fastidieux travail du traducteur-rédacteur technique.

Conclusion

On peut résumer cet exposé, en disant que la termino comporte quatre volets :

  1. Une science
  2. Une pratique (méthode – science appliquée)
  3. Le résultat de cette pratique
  4. Une discipline cognitive

En tant que science, elle étudie le monde bicéphale des termes (notions/concepts et noms) ; en tant que pratique, elle recense, définit, illustre, explique les termes dans leur ordre naturel d’appartenance au domaine concerné ; le résultat (par exemple, la terminologie judiciaire) constitue un outil de connaissance non seulement pour le traducteur, mais également pour toute personne cherchant à s’initier à une matière, voire un récapitulatif (un hand-out) pour l’enseignant ; enfin, le savoir ainsi structuré en une ou plusieurs langues permet un accès systématique et rapide au secret d’un art et au possesseur de cette clé de décliner son initiation comme on décline son identité.

En effet, savoir de quoi on parle avec compétence, en se servant des termes idoines, atteste de l’appartenance au cercle des initiés – ce qui est très prisé dans une société qui se veut égalitaire.

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Annexe – exemple d’arbres termino tiré du mémoire sur le droit des étrangers (1998) de Sophie Barbut et Sophie Bourlat

a) Arbre juridique

Arbre n°1 : Droit des étrangers
Étranger
Immigré
Apatride

Arbre n°2 : Entrée sur le territoire national
Entrée régulière
Entrée irrégulière

Arbre n°3 : Champ d’application territorial
Territoire national
Découpage géographique du territoire national
Territoire métropolitain
Département d’outre-mer
Territoire d’outre-mer
Découpage administratif du territoire national
Administration centrale

Arbre n°4 : Administration déconcentrée
Circonscription administrative
Région
Préfet de région
Département
Préfet de département
Préfecture
Préfet de police
Préfecture de police
Pays
Arrondissement
Canton
Commune
Conseil municipal
Maire

Arbre n°5 : Administration décentralisée
Établissement public
Établissement public administratif
Personne morale de droit public
Collectivité territoriale
Collectivité locale

Arbre n°6 : Documents requis à l’entrée du territoire
Passeport
Laissez-passer
Visa

Remarque : Ce mémoire, daté, portait sur la situation en France, en Allemagne et au Royaume-Uni après l’application des accords de Schengen.

L’exemple présente une classification plutôt facile, en reprenant un ordre préétabli par les textes législatifs et administratifs. Dans d’autres matières, la classification sera moins aisée. Dans tous les cas, elle doit ressortir des textes disponibles et consultés et être corroborée par les experts sollicités. Les étudiants ne doivent, en aucun cas, se lancer dans une classification personnelle. En revanche, ils peuvent commenter ou critiquer une classification existante qui ne leur paraît pas correspondre à la réalité vécue lors de leurs recherches.

b) Arbre sur le traitement de la laine

Les termes suivants ressortent d’un texte lainier :

filage 8.7 ; peignage 8.3 ; épaillage 5 ; échardonnage 6 ; bain d’acide 7.2 ; lissage 8.5 ; séchage  7.7 ; rinçage 7.3 ; cardage 9.4 ; ensimage 9.3 ; cycle peigné 8 ; déballage 4 ; laine brute 1 : étirage 8.2 ; ouvrir la bourre 8.1 ; dessuintage 7.1 ; sérançage 8.4 ; essorage 8.6 ; débordage 3 ; garnettage 9.1.2 ; louvetage 9.2 ; effilochage 9.1.1 ; cycle cardé 9 ; tri 2 ; battage 7.5 ; filature 10 ; chauffage 7.4 ; affinage 8.6 ; lavage 7; pelote 10.1. Les chiffres visent leur emplacement hiérarchique.

TONTE   DÉLAINAGE

Tri et nettoyage à sec
A. tri
1 laine brute (en suint)
2 tri
3 débordage
4 déballage

B. nettoyage
5 épaillage
6 échardonnage

7 Lavage
7.1 dessuintage
7.2 bain d’acide
7.3 rinçage (se répète avec lavage à chaque étape)
7.4 chauffage
7.5 battage
7.6 essorage
7.7 séchage

8 Cycle peigné
8.1 ouvrir la bourre
8.2 étirage (se répète à chaque étape)
8.3 peignage
8.4 sérançage
8.5 lissage
8.6 affinage
8.7 filage   9 Cycle cardé
9.1 préparation
9.1.1 effilochage
9.1.2 garnettage
9.2  louvetage
9.3  ensimage
9.4  cardage
8.7  filage

10  filature
10.1 pelote

fil peigné   fil cardé

Chaque terme relevé fera l’objet d’une fiche terminologique telle que décrite plus haut.

L’arbre lainier montre non seulement des objets mais dans une plus large mesure des processus, soit par nom, soit par syntagme (verbe + complément – cf. 8.1).

LA MÉTHODE à apprendre est avant tout documentaire : savoir trouver les bonnes sources et savoir les exploiter au-delà des surfaces, comme dictionnaires, internet, etc.

Il faut appréhender les bons textes de départ pour le dépouillement. Une fois le recensement des termes pertinents effectué, les traiter dans l’ordre hiérarchique (constituer l’arbre), puis les accommoder dans le schéma de la fiche.

Le reste est affaire de documentation : tout « sourcer », travailler les sources et tester leur fiabilité, le tout en 3 – 4 langues ; un soin particulier sera accordé aux équivalents en chaque langue avec l’aide d’experts de la matière natifs des langues-cibles.

En résumé, la termino offre une excellente introduction documentaire à un sujet technique, permettant au traducteur-rédacteur technique de comprendre ce qu’il doit faire.

Herbert Eisele
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Herbert Eisele est formé traducteur à l'ETI de Genève pour l'anglais, le français, l’espagnol, l’allemand et le russe. Il a assuré la direction de recherche à l'ISIT (Paris) en relations internationales, en traduction et en terminologie. À ce titre, il a formé de nombreux étudiants sur un cursus de 4 semestres. Leurs thèses de fin d'études constitue un stock de plus de 300 mémoires couvrant une centaine de domaines. En outre, il a participé, en tant que conférencier, à de nombreuses manifestations professionnelles à Bucarest, Cologne, Genève, Germersheim, Istanbul (Yildiz), Madrid, Munich, Québec, Rabat, Rennes, Trèves, Timiçoara, Vienne, etc. Il fait partie du groupe d'experts d'AFNOR et participa aux réunions d'ISO/TC37. Il est docteur en droit de l'Université de Genève.

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Herbert Eisele est formé traducteur à l'ETI de Genève pour l'anglais, le français, l’espagnol, l’allemand et le russe. Il a assuré la direction de recherche à l'ISIT (Paris) en relations internationales, en traduction et en terminologie. À ce titre, il a formé de nombreux étudiants sur un cursus de 4 semestres. Leurs thèses de fin d'études constitue un stock de plus de 300 mémoires couvrant une centaine de domaines. En outre, il a participé, en tant que conférencier, à de nombreuses manifestations professionnelles à Bucarest, Cologne, Genève, Germersheim, Istanbul (Yildiz), Madrid, Munich, Québec, Rabat, Rennes, Trèves, Timiçoara, Vienne, etc. Il fait partie du groupe d'experts d'AFNOR et participa aux réunions d'ISO/TC37. Il est docteur en droit de l'Université de Genève.

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